Le Speyside
C’est la terre d’élection du single malt, son triangle d’or. Délimitée au nord par la mer du Nord, au sud par les monts Cairgorms, à l’est et à l’ouest par deux cours d’eau : la Deveron et la Findhorn, elle est parcourue en son centre par la Spey (deuxième fleuve du pays avec 172 km) qui lui a donné son nom, et dont les affluents portent les noms évocateurs de Fiddich, Avon, ou Livet. Une cinquantaine de distilleries (soit la moitié du parc de production de whisky écossais) y a trouvé refuge. Refuge est en effet le terme qui convient : la géographie de la région, faite de plateaux désertiques où rivières et fleuves ont creusé les vallées dans lesquelles s’est installée l’activité humaine ; où les routes sont souvent aussi sinueuses que les vallées, si elle a permis grâce à l’abondante ressource en eau la distillation, a tout autant facilité celle-ci aux temps rugueux où elle était interdite : loin des grandes villes, dans des paysages propices aux embuscades, l’activité des contrôleurs du fisc, les Excisemen, devenait hautement périlleuse. Fort heureusement, et à l’inverse de ce qui a pu se produire dans les Highlands orientales voisines, la légalisation n’a pas entraîné de baisse d’activité.
En descendant la Spey
Descendons le fleuve depuis la source. La distillerie la plus méridionale, ouverte en 1987, porte le nom de la région, Speyside. Si l’on s’écarte du cours de la Spey en bifurquant vers le nord-est, on arrive au cœur du Parc National des monts Cairgorms, où se trouve, à Tomintoul, la distillerie baptisée Tomintoul Speyside.
En revenant sur le cours du fleuve, et en poursuivant celui-ci vers l’aval, on parvient à Ballindalloch, dont le nom à lui seul semble surgi d’une œuvre de Robert Louis Stevenson. La bourgade abrite deux fameuses distilleries : Cragganmore, qui appartient à la gamme des Classics malts, et The Glenlivet, la première dans le Speyside à obtenir une licence officielle en 1834. Son renom fut tel que tout un paquet de distilleries obtinrent d’accoler ce nom au leur (il nous reste aujourd’hui Dufftown Glenlivet, Glenburgie Glenlivet, Glen Moray Glenlivet, Glen Rothes Glenlivet, Miltonduff Glenlivet, Speyburn Glenlivet, Tamnavulin Glenlivet).
En poursuivant vers le nord, c’est tout un chapelet que l’on trouve : sur la rive gauche Tamdhu, Knockando, Cardhu, Impérial ; Dailuaine, Glenfarclas, Benrinnes, Glenallachie, Aberlour sur la rive droite. Un peu plus loin, c’est Craigellachie. De là, si l’on opte pour le sud-est, c’est Dufftown avec, en ville et aux environs, ses sept distilleries : Glenfiddich, Balvenie, qui, non seulement fait encore son malt elle-même, mais en plus, le fait à l’ancienne, en remuant manuellement l’orge étalée sur les aires de maltage – et dont le “Cuban selection” (14 ans, vieilli en fûts de rhum) ne manque pas de caractère, Glendullan, Convalmore, Dufftown Glenlivet – d’où vient le Singleton – Motlach, et Pittyvaich (cette dernière a fermé en 1993, mais ses produits peuvent encore se trouver). Si, au contraire, on choisit le nord-ouest, c’est Rothes et ses cinq distilleries : Glen Spey, Glen Rothes, Glen Grant, Caperdonich et Speyburn. Mais avant cela, on aura, en traversant la Spey au sortir de Craigellachie, croisé un temple du Whisky : Macallan.
A une quinzaine de kilomètres à l’est se niche la petite ville de Keith, où se trouvent Glen Keith, Strathmill et Strathisla. Ces deux derniers single malts ne sont diffusés que de façon confidentielle et sont essentiellement destinés à la confection de blend, et pour cause, Strathisla (rachetée en 2001 par le groupe Pernod-Ricard) étant la maison mère du Chivas Régal.
Nous nous sommes écartés du cours du fleuve pour nous approcher des limites orientales du Speyside, marquées par la Deveron. A l’embouchure de celle-ci se trouve la ville de Banff. Avant d’y arriver, on aura croisé les distilleries de Glentauchers, Auchroisk, Aultmore. A Banff même, ce sera Inchgower, la plus septentrionale de toutes les distilleries de cette partie “continentale”.
En revenant vers l’ouest sur le cours de la Spey, nous trouverons Longmorn, avant de laisser filer le fleuve vers la mer, puisque les autres distilleries se situent désormais sur la rive gauche, et notamment autour de la ville d’Elgin, qui, avec plus de 25 000 habitants, est la principale ville de la Région. C’est là qu’ont élu domicile Coleburn, Glen Elgin, Benriach, Mannochmore, Glenlossie, Linkwood, Glen Moray et Miltonduff. Enfin, en poursuivant toujours vers l’ouest, à l’embouchure de la Findhorn se trouve la distillerie Benromach, laquelle propose un whisky labellisé « bio », et, à quelques kilomètres au sud, Dallas Dhu, distillerie fermée au début des années quatre-vingt et transformée en musée depuis 1992.
Typicité de ces meilleurs whiskies écossais
En termes de goût, quelle est la spécificité des ces whiskies du Speyside ? Une certaine rondeur et une élégance certaine, répondent les spécialistes, grâce notamment à la pureté de l’eau venant des Grampians, peu ou pas tourbée et à un climat sans excès. C’est sans doute également, de toutes les zones de production, avec les Highlands du nord, celle qui tire le meilleur parti de la richesse des fûts pour le vieillissement. Ce qui n’empêche nullement une grande diversité : arômes de réglisse, de miel (Cragganmore, Aberlour), d’agrumes (Glenlivet, Glentauchers, Auchroisk), de poires (Tormore, Longmorn), de fruits rouges (Linkwood, Benriach) de chocolats et de fruits (Cardhu, Benrinnes), de vanille (Glen Elgin, Balvenie) senteurs marines parfois (Inchgower, fatalement), notes de céréales (Knockando, Glentauchers, Caperdonich, Glendullan), de tourbe éventuellement (Benromach), de poivre parfois (Caperdonich encore). Pourquoi ne pas faire du Speyside la destination de vos prochaines vacances et en profiter pour élire votre meilleur whisky écossais ?